• Petit conte fantasque

                                     

     

    Petit conte fantasque

     

                                           « Les heures peu à peu s’égrènent au beffroi

                                          « Le clocher carillonne le jour, par trois fois

                                          « Puisse Mesdames, le petit conte que voici,

                                          « Servir Messieurs, la mémoire des gens d’ici

     

    Il était une fois une vieille horloge accrochée à son beffroi. La vieille dame se permettait une coquetterie qui donnait un petit charme discret à notre village.

     

    Oui ! Les gens d’ici avaient bien de la chance ! L’horloge du beffroi avait toutes les attentions pour eux. Elle « prévenait » les habitants de Saint Fargeau qu’il « VA ÊTRE L’HEURE ».

     A chaque heure, à chaque demi-heure, tout au long du jour et de la nuit, l’horloge du beffroi sonnait fidèlement dix minutes à l’avance. Le préposé municipal avait beau s’ingénier, en vain mais patiemment, à remédier à cette fantaisie, rien n’y faisait ! Il ne fallait guère de temps pour que l’horloge contrariée, ne ralentisse et peu à peu qu’elle ne revienne à sa sollicitude.

     

    C’est ainsi qu’à 6h 50 le fargeaulais qui travaille entendait l’horloge en hiver qui disait :« Il est temps, les amis, faites chauffer le diesel ; enfilez vos manteaux ; il va être l’heure de partir travailler »

     

    A 7h50 elle s’occupait des enfants : « Allez allez, finissez vos tartines petits écoliers et vérifiez vos cartables. L’école vous attend ».

     

    A midi moins dix, la bonne fille encourageait : « je sais, je sais, vous avez faim ! Encore dix minutes chers fargeaulais et la pause déjeuner arrivera. Dix minutes ce n’est pas grand-chose ! allez courage ! »

    Toujours bonne mère, l’horloge continuait sa tâche journalière. Elle savait très bien comme le travailleur et l’écolier aimeraient prolonger l’instant de la pause pour digérer leur déjeuner.

    A 13h 20 elle les secouait gentiment « Il est temps chers amis, la sieste c’est pour Dimanche ! Il est temps, !» et selon le cas, elle bousculait son monde : « Allez, allez ! au bureau ! à l’atelier ! à l’usine ! au collège ! la journée continue !»

     

    Un chef de gare qui faisait du tourisme dans notre ville, découvrant l’indiscipline des engrenages et roues dentées s’offusqua bruyamment. : « Où va-t-on clama-t-il à la ronde si l’heure ne donne plus l’heure et trompe les gens ?! Mes trains, comment je ferais pour mes trains si mes horloges n’en faisaient qu’à leur tête ? »

    Un fargeaulais débonnaire qui passait par là lui dit : « Non Monsieur, l’ordre règne ici. Marie Charlotte Geneviève* veille. Trois fois le jour, avec la précision du métronome, à 7h, midi, 19H, elle sonne l’Angélus du haut de son clocher. Elle rappelle aux croyants leur dévotion mariale, ainsi qu’à tous les villageois, leurs obligations quotidiennes. »

    Voilà comment à Saint-Fargeau les jours s’égrainaient rituellement.

    Tout au long de l’année et par-dessus les toits, nous n’échappions pas au dialogue multiséculaire qui nous dépasse et rythme notre civilisation.

     

    Or, par un jour de terrible orage, Zeus dans sa colère abattit sur le beffroi, ses éclairs. De long mois durant, la vieille horloge blessée cessa de nous parler.

    Mais un savant ingénieur électronicien fut enfin appelé. Il a ouvert le ventre de la malheureuse, sorti les roues dentées, les clous, les vis rouillés et les ressorts distendus. Il a greffé un mécanisme inoxydable et électronique.  Tout est aux normes désormais.

    Plus de fantaisie dans nos heures qui passent. Plus de dialogue entre les cloches.

    Les esprits chagrins vous diront que désormais elles font chorus et ne s’écoutent plus.

    Les coeurs joyeux n’auront aucun mal à leur rétorquer « Mais non, mais non. ! Enfin elles chantent à l’unisson. »

     

                                                                   Pour aller plus loin

     

    De quand date l’horloge du beffroi ?

    La construction du beffroi date de la construction de la porte de la première enceinte, fin XV° ou début XVI°.  L’élévation élégante de la toiture est un peu plus tardive. Elle se situe vers 1575 lors de la construction de la deuxième enceinte.

    Est- ce au moment de cette modification que l’on songea à doter la tour d’une horloge ?

    On ne sait pas. Mais voici ce que relate M. Déy dans « Histoire du Comté de Saint-Fargeau »

    « Quant à l’horloge de la ville, le fait est que dès 1761, elle était en mauvais état et que toutes les dépenses qui furent affectées à la réparer ne purent en prolonger l’existence décrépite que jusqu’en 1789, époque où Etienne Jamet maître serrurier et horloger en gros à Léré fut chargé d’en faire une nouvelle qui fut installée six mois plus tard… L’horloge de maître Jamet ne dura qu’une cinquantaine d’années. Le Conseil Municipal le 26 décembre 1834, vota la somme de 200 francs pour l’acquisition d’une nouvelle horloge. Le sieur Rousset, horloger à Saint-Fargeau, offrit d’entretenir la nouvelle horloge pendant 6 ans au même prix que pour l’entretien de l’ancienne horloge (soit de 250frs). Son successeur, M. Joran moyennant une augmentation du prix de l’entretien continua la tâche à partir du 28 février1864. »

    En 1881 le Conseil Municipal décide outre les vieux cadrans de l’est et de l’ouest, de doter la tour de deux autres cadrans, un au nord et un au sud.

    « Je pense que depuis lors, c’est toujours le même mécanisme » poursuit M. Déy.  « Lorsque j’étais enfant, M. Draps horloger était chargé du remontage et de l’entretien de l’horloge, puis ce fut le plombier Billebault dit « soudure » qui se chargea du travail et enfin la tâche échut au garde champêtre ».

    Dans le N° 145 du très précieux « Puisayen », on trouve : « En 1983 le mécanisme donna des signes de faiblesse. (à la demi, elle s’arrêtait, puis, reprenait son cours). Henri Salin, serrurier confia à son neveu Michel Fourneau, ingénieur des Arts et Métiers le soin difficile de résoudre le problème.  Celui-ci réussit à réaliser une boite contenant les engrenages qui commandaient les tiges des 4 cadrans. »

    Mais les saisons ont fait leur œuvre sans relâche comme le suggère le petit conte ci-dessus. La mairie a fait appel à la société « Plaire Horloge » située à Sérézin dans le Rhône. Il a fallu doter le mécanisme d’un boîtier électronique un peu trop petit cependant pour actionner les quatre cadrans. Depuis ce temps-là, seuls deux cadrans donnent l’heure… à l’heure !

     

    *Qui est donc Marie Charlotte Geneviève ?

     

    Le clocher abrite la plus vieille cloche de Puisaye. Elle datait de 1502.

    Cette cloche a été fêlée à l’occasion de l’armistice de 1918. Le préfet avait ordonné que les cloches sonnassent à toute volée la joie immense de l’armistice. Trop d’émotions pour cette vieille dame fragile ! Elle ne résista pas à cet enthousiasme. En 1960, le bronze de la cloche d’origine fut fondu dans l’atelier du fondeur Jean Bollée.  C’est ainsi qu’elle donna naissance à celle d’aujourd’hui. Cette cloche nouvelle a été baptisée en grande pompe le 11 décembre 1960 par Monseigneur Lamy archevêque de Sens. Elle a eu pour marraine Marie Anisson du Perron, marquise d’Ormesson et pour parrain Henri Bourgoin, maire de Saint Fargeau assisté de ses adjoints Fernand Giraud et Maurice Rousseau. Elle Pèse 952 kg. Elle est électrifiée.

    Sur cette cloche figure l’inscription :

    « JE REMPLACE CHARLOTTE GENEVIEVE QUI FUT BENITE EN 1706 ET DONT LA VOIX FUT BRISEE LE 11 NOVEMBRE 1918 DANS L’ALLEGRESSE DE LA VICTOIRE »

     

     

    Que signifie la volée de cloche trois fois par jour ?

     

    La cloche sonne l’Angelus. C’est une prière latine qui commence par le mot Angelus. Il désigne l’ange Gabriel annonciateur à Marie, de la venue du Christ. Elle se récite matin, midi et soir en commémoration du mystère de l’Incarnation ; cette même prière se dit de nos jours en français. La sonnerie des cloches, trois fois par jour, annonce l'heure de cette prière.

     

                                                                                                                            Brigitte Demay de Goustine

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    x
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 11:33

    Superbe conte, merci.

    2
    christian V
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 16:15

    Merci pour ce joli conte et pour les informations concernant la cloche de l'église.

     

    3
    Ummenhover Francoise
    Lundi 5 Septembre 2022 à 15:55

    J'adore ce petit conte et toutes ces informations concernant l'horloge de notre beffroi... Merci et encore !



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